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Salles Obscures

5 avril 2007

La corde (1948)

corde_7Le crime est un art et l'apanage de l'élite, seuls les inférieurs sont les victimes. C'est selon ce précepte de Nietzsche, enseigné par leur professeur de philosophie, Rupert Cadell, que deux étudiants, Brandon et Philip, vont étrangler un troisième larron, David, pour tester cette théorie. Flippant ? oui. On assiste à ce crime commis avec une froideur et une exemption totale de conscience, puis à la mise en scène du crime parfait où le corps est déposé dans un coffre sur lequel un buffet sera tenu à l'occasion d'une petite soirée d'adieu (les deux garçons partent à la campagne...). Ils ont réuni quelques proches, dont la petite amie de David, ses parents et leur professeur - Brandon est excité à l'idée de jouer sous son nez ce drame en trois actes !

L'idée du film est venue d'une pièce d'un dramaturge anglais, Patrick Hamilton. Hitchcock, qui tournait là son 1er film en couleur, a adopté la technique de filmer sur un seul plateau et sous forme d'action continue (mais avec des bobines de dix minutes). L'aspect final est réussi, de mon point de vue. Cela donne un compromis intéressant entre le cinéma et le théâtre, avec ce huit-clos à vous glacer le sang. Chaque détail est scrupuleux, comme Brandon qui range la corde dans le tiroir de la cuisine avec un sourire pervers, ou la bonne qui débarrasse la vaisselle en fin de repas et dépouille le "buffet" sans se presser, poussant d'un cran supérieur la tension, très proche du masochisme.

corde_9En filmant en ouverture la scène de strangulation, Hitchcock décide de jouer avec le suspense sur un autre aspect. On ne se pose plus la question : "comment s'explique le retard de David ?" mais plutôt "va-t-on deviner le crime atroce des deux étudiants ?". Pour cela, le personnage joué par James Stewart prend une envergure considérable. Cary Grant avait été pressenti pour ce rôle avant d'être attribué à Stewart, une décision jugée discutable car l'acteur n'était plus désormais une valeur sûre au box-office. Et pourtant, j'ai trouvé qu'il incarnait le coupable implicite de cette barbarie, après tout c'est lui le responsable, c'est lui le professeur qui a enseigné de tels propos incohérents...

Son entrée en scène est saluée par la musique de Poulenc, le temps d'un flottement. James Stewart laisse tomber les sous-entendus du prof homosexuel ayant eu une liaison avec un des étudiants (comme l'impliquait la pièce anglaise) et décide de jouer un enquêteur, soucieux des signes, des indices, intrigué par l'absence de David, attentif à l'extrême nervosité des deux hôtes, où l'un affiche une arrogance déplacée et l'autre boit outrageusement. Quand il commence à constituer le puzzle en grand, il est effrayé d'avoir été à l'origine d'une interprétation aussi angoissante et condamnable. Hitchcock dirige avec plaisir ce jeu qui sera repris quelques années plus tard par les créateurs de Columbo.

corde_5Il faut absolument redécouvrir ce film du réalisateur anglais, véritable monument cité désormais comme une référence par de nombreux cinéastes, alors même que Hitchcock qualifiait de "truc" ce film époustouflant.

"La Corde" s'attaque avec cynisme et humour à la pédanterie qu'arbore une certaine classe qui se juge supérieure à une autre, et qui se conclue par un remarquable affrontement psychologique entre Stewart et le duo Granger/Dall

La corde, film d'Alfred Hitchcock (1948) avec James Stewart, John Dall & Farley Granger. Titre vo : The Rope.

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5 avril 2007

La cinquième colonne (1942)

saboteur4Dans une usine de fabrique d'avions, deux employés interviennent pour éteindre un incendie criminel. Hélas, le meilleur ami de Barry Kane est tué et l'enquête tend à suspecter Kane d'être l'auteur de cet acte de sabotage.
Une chasse à l'homme commence. Barry décide de retrouver un certain Fry qui se trouvait sur les lieux du crime et qui a étrangement disparu depuis. Il se rend dans un ranch où il fait la connaissance de Charles Tobin. Il devient très vite évident que cet homme est la tête pensante d'un groupe de terroristes décidés à accomplir un sabordage à l'échelle nationale contre les Etats-Unis qui sont entrés en guerre après l'attaque de Pearl Harbor.
En chemin, Kane va rencontrer la délicieuse Patricia Martin qui prône de hautes idées de citoyenneté et de patriotisme à faire hérisser les poils sur les bras. Selon elle, Kane est présumé coupable, il faut le livrer à la police.

saboteur2Or, Hitchcock commence à distiller le doute en milieu de parcours. Il devient flou, Kane est-il réellement honnête ? n'a-t-il rien à se reprocher ? Non. C'est impossible d'effacer de sa mémoire le passage éclair de l'étrange Fry au regard froid et vil. On le croise à nouveau, du côté de New York, où Kane et Patricia le pourchassent. Une nouvelle menace pèse sur un navire américain, il faut compromettre la mission terroriste et démasquer Fry, Tobin et toute la clique.

Film d'espionnage, chasse à l'homme, complot d'une unité malfaisante planquée au coeur de l'Amérique vertueuse et forte de ses valeurs de défense nationale... Ce sont les thèmes chers d'Alfred Hitchcock qui sont exploités dans ce film. Le réalisateur n'hésitera pas à reprendre cette thématique dans des films plus percutants, avec des têtes d'affiche plus croustillantes que Robert Cummings et Priscilla Lane (que je trouve charmante, cependant !). saboteur1

"La cinquième colonne" peut se vanter d'offrir quelques scènes stupéfiantes, qu'on doit souvent à l'acteur Norman Lloyd qui incarne le perfide Fry. Rappelons donc la rencontre avec le pianiste aveugle, l'échappée belle en compagnie de la troupe de cirque, la scène de bal, la fierté déplacée de Fry dans son taxi après le plan du navire échoué, le final au sommet de la Statue de la Liberté...
Ces moments forts assurent au spectateur un coup de jus pour l'adrénaline. Pour moi, ce n'est pas l'un des meilleurs films du Maître, même s'il demeure indispensable et à voir sans aucun doute !

La cinquième colonne, film d'A. Hitchcock (1942) - avec Priscilla Lane, Robert Cummings, Otto Kruger, Norman Lloyd. Titre vo : Saboteur.

5 avril 2007

Les choses de la vie (1969)

piccoli_choses_vieUn grave accident de voiture vient d'avoir lieu. Un homme se trouve entre la vie et la mort. Plongé dans son semi-coma, Pierre pense et revoit par flashes successifs les plus belles séquences de sa vie.
Tout commence par son histoire d'amour avec la ravissante Hélène, avec laquelle il a décidé de tout quitter pour partir en Tunisie. Mais Hélène est entière, elle veut son homme pour elle toute seule, elle attend de son amour qu'il lui soit totalement dédié.
Pourtant, c'est difficile car Pierre a une autre vie, une autre femme, Catherine, avec qui il a eu un fils. Leur vie conjugale coulait sans heurts, avec des vacances idylliques dans leur maison sur l'île de Ré. Et puis, il y a eu la rencontre avec Hélène...

Tout au long du film, on sent cet homme accablé, oppressé par sa vie dans lequel il semble largué. Regrette-t-il sa vie auprès de Catherine ? Pense-t-il passer à côté de l'éducation de son fils, aujourd'hui jeune homme brillant et inventif ? Et Hélène, l'aime-t-il encore passionnément, après leur coup de foudre ? Est-il prêt à quitter la France pour une nouvelle vie en Tunisie ? Tient-il rancune à son père d'avoir abandonné la maison alors qu'il n'était qu'un enfant ? ... Ces chapitres sont alternés par la scène de l'accident, un moment violent, fracassant, que la caméra a filmé avec lenteur, mais sans voyeurisme déplacé.

romy_choses_de_la_vieLa vie de Pierre est faite de ces petites "choses de la vie" qui font décidément un tout, un poids lourd et accablant. Le film de Claude Sautet trace le portrait d'un homme ordinaire, pris entre mille feux. C'est Michel Piccoli qui interprète Pierre avec une sensibilité rare, une exactitude confondante. Il retrouve sur ce tournage son amie Romy Schneider, avec laquelle une grande complicité existe depuis quatre ans.

Romy sort d'un gros succès ("La piscine") qui a eu l'effet de relancer sa carrière dans un registre neuf, révélant sa réelle capacité dramatique. En 1969, Sautet rencontre l'actrice et décide de la mettre en valeur comme jamais : il lui conseille de tirer ses cheveux en arrière afin de mettre en pleine lumière l'expression de son visage et aussi de parler plus bas pour mieux moduler la musique de sa voix. L'osmose entre Romy et le réalisateur est magique, le souci de perfection étant un de leurs points communs, tout deux se comprennent aussitôt. (Deux ans plus tard, ils se retrouvent pour le film "Max et les ferrailleurs", et trois autres films suivront.)

romy_choses_de_la_vie_4"Les Choses de la vie" imposera définitivement Romy Schneider comme l'égérie radieuse des seventies naissantes. Son personnage d'Hélène demeurera l'un des rôles les plus marquants, le public assimilant rapidement cette femme amoureuse, volontaire et indépendante à la figure de Romy (hélas, au moment du tournage, son couple battait de l'aile et Romy noyait son chagrin dans l'alcool, mais c'est une anedocte qui sera connue plus tard, pour l'heure Romy incarnait la grâce et l'élégance, un caractère trempé, un soupçon romantique, bref une passionnée !).

Il ne faut pas oublier de voir et revoir ce film, absolument poignant, émouvant, où les acteurs sont troublants de sincérité, dont l'italienne Léa Massari que j'ai trouvée époustouflante. Inoubliable aussi, la musique de Philippe Sarde... (Un détail m'a toutefois marquée : la grande consommation de cigarettes au cours de ces 80 minutes de film ! C'est impressionnant.)

Les Choses de la Vie, film de Claude Sautet (1969) - avec Michel Piccoli et Romy Schneider

5 avril 2007

César et Rosalie (1972)

romy_cesar_rosalie_3Rosalie vit avec César, un self-made man, un type retentissant, bon vivant et fou amoureux de sa belle. Elle a une petite fille, Catherine, de son précédent divorce. Leur vie repose sur un confort simple et heureux. Mais un vent de panique souffle avec le retour de David, que Rosalie a passionnément aimé avant d'épouser son meilleur ami, Antoine.
Incapable de dompter la jalousie qui le ronge, César va commettre l'irréparable (mentir, faire du chantage, être violent, etc.). Résultat, Rosalie va le quitter. Elle n'est pas sa chose, elle n'accepte pas sa volonté de domination, elle court rejoindre David dans l'espoir de jours meilleurs.
Mais l'harmonie passe comme les nuages... Il manque à Rosalie son équilibre, d'un côté David, d'un autre César, mais les deux ensemble, non ce n'est pas supportable, elle étouffe.

romy_cesar_et_rosalie"César et Rosalie" n'est pas qu'un film sur la relation amoureuse à trois, ce film de Claude Sautet pousse la complexité à analyser les sentiments d'un homme entre 40 et 50 ans, miné par l'amour exclusif et qui ne comprend pas qu'on puisse se détacher sans crier gare.
C'est aussi un portrait de femme émouvant. Romy Schneider incarne Rosalie, une créature légère, sensuelle et qui aime sans faux-semblants, n'acceptant pas qu'on lui dicte sa conduite, ni à qui donner son coeur... bref ce film offre encore une fois à Romy la possibilité d'affirmer son talent de grande actrice et sa beauté illumine la pellicule du début à la fin.
C'est à vous couper le souffle. Les dialogues sont étonnament simples, mais il ne faut pas s'y tromper, leurs propos sont bien souvent percutants et touchants.
Samy Frey interprète l'homme dangereux, au charme mystérieux et inquiétant, c'est lui le pôle nord vers qui l'aiguille de la boussole de Rosalie s'aimante instinctivement. Yves Montand, qui joue avec panache César, a obtenu le rôle par chance, après le refus de Vittorio Gassman. Claude Sautet romy_cesar_rosalie_2ne sait pas tromper, il est définitivement l'homme de la situation, où son art de vivre rabelaisien se susbtitue à ses angoisses, ses démons intérieurs, où le petit garçon se chamaille avec l'amoureux éploré.

C'est très beau et filmé avec la maestria habituelle de Sautet, l'expert à analyser l'époque contemporaine dans les rapports humains, à rendre juste et faussement simple les sentiments des quadras. De duo amoureux en grande tablée familiale, le bonheur de vivre s'y respire à grandes bouffées. Le film sorti en 1972 est un succès triomphal, Romy Schneider a imposé son nom dans le cinéma français et son visage, sa voix ont conquis le public.

César et Rosalie (1972) - film de Claude Sautet avec Yves Montand, Romy Schneider et Sami Frey.

5 avril 2007

Une femme à sa fenêtre (1976)

une_femme_a_sa_fenetreRico et Margot Santorini ne s'aiment plus. Lui, play-boy vaguement diplomate, collectionne les aventures féminines; Margot, belle, riche, courtisée, est dans l'attente d'un grand amour. En cette année 1936, le monde décadent et sans âme de la grande bourgeoisie grecque n'offre guère d'occasions de vivre intensément comme le souhaiterait la romanesque Margot, qui cache sa véritable nature sous un masque de cynisme et de frivolité. Cette chaude nuit d'août au cours de laquelle, de sa fenêtre, Margot est le témoin d'une chasse à l'homme, va bouleverser la destinée de la jeune femme.

Adapté du roman de Pierre Drieu de La Rochelle, avec des dialogues signés de Jorge Semprun, "Une femme à sa fenêtre" est incontestablement un film "classique" dans le sens strict du terme. Ambiance, jeu des acteurs, histoire nonchalante, etc. Romy Schneider y balade sa silhouette gracile et non dénuée de sensualité, toujours impeccable et élégante, mais lointaine. Elle interprète une riche bourgeoise qui plonge dans la tourmente de l'Histoire pour suivre l'homme qu'elle aime, un révolutionnaire pétri du dogme marxiste (incarné par Victor Lanoux, trop bourru pour la circonstance).

Une nouvelle fois, Romy est très proche de son personnage de Margot. Les deux femmes se ressemblent jusqu'à parfois se confondre. Même caractère entier, même soif d'absolu, mêmes cicatrices indélébiles... Les paroles de Margot résonnent tel un écho chez Romy Schneider, seune_femme_a_sa_fenetre_2s rêves appellent son propre destin. Dans ce film, elle interprète également la fille de Margot qui retourne en Grèce sur les traces de ses parents pour connaître leur histoire. A ce propos, la mise en scène est impeccable, il y a des flash-backs, des allées et venues entre le passé et le présent. On comprend peu à peu ce qui pousse Romy Schneider à délaisser son mari, interprété par Umberto Orsini, pour tomber dans les bras de Victor Lanoux. La fin apporte vraiment une touche essentielle à l'histoire, lui donnant une profondeur qui avait tendance à faire défaut.

Car hélas, même si l'histoire sur le papier est terriblement passionnante, attirante et intriguante, sur la pellicule l'atmosphère manque un peu de cette flamboyance. Il y a un côté un peu trop précieux qui rend le film froid et statique. Voir, parfois embrouillé. Tout était pourtant réuni pour un film envoûtant, l'effet obtenu tient toujours par le jeu et la présence de Romy Schneider. Mais "Une femme à sa fenêtre" a des qualités et des défauts, heureusement les dernières notes du film s'emballent et raccrochent l'intérêt du spectateur. A noter aussi un pilier de choix, Philippe Noiret, à qui on ne peut décidément rien reprocher !

Une femme à sa fenêtre, film de Pierre Granier-Deferre (1976) avec Romy Schneider, Philippe Noiret, Victor Lanoux & Umberto Orsini.

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5 avril 2007

Un amour de pluie (1973)

amour_de_pluieComme chaque année, Elizabeth et sa fille Cécile âgée de 15 ans passent leurs vacances à Vittel. Elizabeth fait la connaissance d'un étrange Italien, Giovanni dont elle tombe sous le charme, tandis que Cécile tombe amoureuse de Georges, l'apprenti cuisinier de l'hôtel.

Romy Schneider incarne cette femme de près de 40 ans, qui se sent seule et qui succombe à cette histoire éphémère mais passionnelle. C'est peut-être là sa dernière véritable histoire d'amour, elle s'y donne avec surprise, enthousiasme et ne mesure pas ses élans. Elle tente de préserver sa fille adolescente qui pourtant n'est pas dupe. Celle-ci s'est entichée d'un jeune homme de 17 ans et lui fait promettre de ne pas reproduire les amours de leurs aînés, de ne pas se mentir et d'être sincères. La fin brutale de la liaison de sa mère coupe court celle de l'adolescente, et pourtant ces deux-là semblent avoir gagné une nouvelle complicité durant cet été bien différent des précédents...

Toujours magistrale, superbe et resplendissante, Romy ne lésine pas sur ses efforts à interpréter Elizabeth. Le pari semblait risqué, car Romy sort du tournage du "Train" où elle a eu le coup de foudre pour JL Trintignant. En se présentant auprès de son grand ami Jean-Claude Brialy, réalisateur de cet Amour de Pluie, elle lui tombe dans les bras en pleurs. Coeur brisé, début de dépression, remise en doute perpétuelle... Romy entre dans une phase où l'incertitude la guette, rongée aussi par le temps qui passe, soucieuse de sa bamour_pluie_2eauté qui se fâne (et pourtant ! comme elle demeure belle, silhouette vêtue tout de blanc dans ce film, sauf exception une robe de soirée noire). Cette scène en robe noire la dévoile merveilleuse et pleine de grâce : elle a un peu trop bu, suit son amant et tourbillonne dans ses bras...

Parce que ce film bénéficie de la présence radieuse d'une Romy Schneider fidèle en amitié (Brialy et elle se sont croisés sur le tournage de "Christine"), "Un amour de pluie" gagne à être vu pour se ravir de son interprétation toujours juste, teintée de sensualité et de douceur. Pourtant, à bien y regarder, le film a une histoire peu consistante et les images commencent à dater. Le choix des partenaires n'est pas à la hauteur de la prestation de Romy Schneider (l'acteur italien, bof & la jeune adolescente, bêcheuse). Seule Suzanne Flon sauve la mise ! Il y a aussi une belle scène cocasse où le personnage de Romy rembarre avec espièglerie un dragueur joué par ... Brialy !

Un amour de pluie, film de Jean-Claude Brialy (1973) - avec Romy Schneider, Nino Castelnuovo, Mehdi, Bénédicte Bucher et Suzanne Flon.

5 avril 2007

Le procès (1962)

le_proces_5Lorsque Joseph K se réveille ce matin là, un inspecteur de police se trouve dans sa chambre. Sans savoir de quoi on l'accuse, le voilà maintenant en état d'arrestation. Tout le monde, la police, ses collègues de bureau, ses amis, sa famille, ses ennemis, l'accusent. Après l'incompréhension, où il essaye de se disculper, Joseph K bien qu'étant innocent, se met à développer un sentiment de culpabilité.

Voilà l'histoire bien connue de cette adaptation du roman de Kafka. Une sombre plongée dans les méandres du sytème, où on décide d'accuser n'importe qui de n'importe quoi... La société apparaît complètement déshumanisée, de même que les personnages. Pourtant, au centre de tout, le personnage de Joseph K refuse de sombrer dans le désespoir, au contraire il est actif, il cherche à comprendre. Car voilà le problème, jamais on ne lui dit de quel crime il est accusé. Joseph K est accablé par le poids de la machine judiciaire, presque dans l'incapacité d'assurer sa défense, il ploie, pris au piège.

le_proces_6Orson Welles a déjà tourné son fameux Citizen Kane qui n'a pas rencontré le succès souhaité, ce qui se reproduira du reste avec l'ensemble de ses films ! Incompris, le réalisateur ? Il faut en fait avouer que son cinéma brouille toutes les pistes de l'imaginable et ne trouve l'explication qu'à la suite d'une longue réflexion, démonstration et de numéros de haute voltige. Pas facile... "Le procès" est une fable onirique et absurbe, filmé avec un certain esthétisme (pour qui aime la sobriété et le dénuement), mais c'est un film fataliste et pessimiste.

Fort de son projet, Welles ne tarde pas à dénicher un casting d'exception en engageant Anthony Perkins, jeune acteur révélé deux ans plus tôt pour son rôle dans "Psychose", pour le rôle principal. A ses côtés, on trouve des acteurs venants de tous pays. Ainsi, Romy Schneider, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Elsa Martinelli participent au film. Pour compléter le casting, Orson Welles s'occtroie le rôle de l'avocat de Joseph K. La légende veut que ce soit Romy Schneider qui lui ait soufflé cette idée...

le_proces"Le procès" ne lui offre que 10 jours de tournage, mais ils compteront pour elle au nombre de ses titres de gloire. Elle y affirme une nouvelle fois ses talents de comédienne, le visage nu, sans maquillage. Nous sommes en 1962, sa carrière en France peine à décoller. L'actrice collectionne les collaborations de prestige, et pourtant il lui faudra attendre la rencontre avec Sautet pour que tout démarre, enfin.

Oeuvre classique dans l'absolu, "Le procès" n'en reste pas moins un film difficile à appréhender, glacial et cérébral. C'est un époustouflant exercice de style, mais il n'est pas scandaleux de reconnaître qu'on reste un peu en marge, soulignant les mérites du génie d'Orson Welles, mais bon... On touche là au vrai cinéma d'auteur, en majuscules.

Le procès, film d'Orson Welles (1962) avec Anthony Perkins, Jeanne Moreau, Elsa Martinelli, Suzanne Flon, Madeleine Robinson, Romy Schneider, Orson Welles. Titre vo : The trial.

5 avril 2007

Arsenic et vieilles dentelles (1944)

arsenic_3Abby et Martha Brewster, deux charmantes vieilles dames, ont une étrange habitude. Pour éviter une vieillesse douloureuse aux hommes âgés dont elles font la connaissance, elles leur font boire un mélange redoutable de baies de sureau, d'arsenic, de strychnine et de cyanide. Elles ont ainsi plusieurs "délivrances" à leur actif.
Leur neveu Mortimer découvre avec horreur cette pratique et décide avec l'énergie du désespoir de boucler au plus vite cette affaire qui va prendre des allures de cauchemars rocambolesques ! Car, deux inconnus s'invitent chez les vieilles tantes, eux-mêmes redoutables meurtriers venus régler des comptes avec cette famille de cinglés !

Oui, la folie est omniprésente chez Capra et même Cary Grant tente de sauver la mise en s'ébrouant de gauche à droite pour faire interner les siens et regagner la paix. Toutefois, les aléas s'accumulant, notre homme donne l'impression de plonger de plus en plus dans l'hystérie et l'aliénation ! C'est de famille, vous dis-je ! Entre le pendant du Président Roosevelt, les petites vieilles qu'un coup d'arsenic sert de remontant, et le sosie de Boris Karloff (interprète de Frankenstein), Mortimer veut gardarnenik_5er la tête froide (peine perdue), sauver son récent mariage, mais ne cesse d'enchaîner des combines toujours plus grosses et embarrasantes les unes que les autres...

Première et unique comédie burlesque de Frank Capra, "Arsenic et vieilles dentelles" est une adaptation d'une pièce de théâtre (on le devine rien que par ce huit-clos où l'essentiel de l'intrigue papillonne). L'histoire est un mélange désopilant entre la cocasserie, l'humour noir et un semblant de terreur (registre dans lequel le personnage de Jonathan Brewster prend une part déterminante !).
Cary Grant accumule les pitreries et les scènes extravagantes, il déploie une grandiloquence dans ses gestes et ses mimiques. Son charme et ses talents comiques font le reste. Parmi les grands moments du film, on se rappelle la scène où il se fait piéger par Jonathan et son complice, finissant saucissonné sur sa chaise, ou lorsqu'il sonne la charge à la place de Teddy.

arsenic_5Dans ce film, l'acteur parfait son style loufoque, le personnage étant de plus en plus contaminé par la démence des autres protagonistes. Cary Grant exulte, communique son enthousiasme, au risque parfois de tomber dans une surenchère. Le scénario offre sans cesse un nouveau renversement, mettant en péril la synergie de base. Mais Non ! Rien ne peut entâcher le plaisir que procure la famille Brewster en cette soirée d'Halloween. La liesse est de mise : autant la folie est contagieuse sur l'écran, autant le ravissement se lit sur le visage du spectateur ! Parfaite comédie à l'humour macabre... à savourer sans retenue !

Panama, nous voilà !

Arsenic & Vieilles dentelles, film de Frank Capra (1944) - avec Cary Grant, Priscilla Lane, Raymont Massey, Edward Everett, Peter Lorre, Josephine Hull, Jean Adair... Titre vo : Arsenic & Old Lace.

5 avril 2007

Sylvia Scarlett (1935)

sylvia_scarlett1Un père et sa fille, encore endeuillés, doivent quitter la ville de Marseille pour échapper à la justice qui demande des comptes à Henry Scarlett, escroc notoire, et qui dépouille sans vergogne l'héritage de son enfant pour prendre le bateau pour Londres.
Sylvia, décidée à le suivre, fait le choix de sacrifier ses nattes et son apparence féminine pour devenir un garçon. Ainsi déguisée en Sylvester Scarlett, elle compte bien passer inaperçue. Mais durant la traversée, son père fait la connaissance d'un certain Jimmy Monkley qui n'hésitera pas à dénoncer le couple Scarlett à la douane.
sylvia_scarlett3Les déboires ne s'arrêtent pas là. Sylvia et Henry retrouvent le fieffé menteur mais décident de lui emboiter le pas et d'adhérer à ses combines pour amasser le maximum d'argent avec le minimum d'efforts.
Ils partiront aussi à bord d'une roulotte, sous la compagnie des Pierrots enchanteurs, avec une nouvelle recrue prénommée Maudie, le béguin d'Henry. Non loin de la plage où ils ont établi leur campement, Sylvia rencontre un artiste peintre, Michael Fane, qui n'imagine pas une seconde que le jeune chérubin effronté cache en fait les traits d'une délicieuse jeune fille romantique...

sylvia_scarlett6Bon, personnellement je n'ai pas trop aimé ce film de George Cukor, même si l'ensemble des ingrédients était réuni pour concocter une faramineuse recette : imaginez au casting Cary Grant et Katharine Hepburn réunis pour la première fois, cela avait de quoi alpagué le chaland !
Pourtant, j'ai admiré la grâce sans pareille de la Grande Katharine, fabuleuse et dynamique, qui sacrifie aux artifices de son sexe pour paraître en garnement indiscipliné et dissipé, oui c'est une formidable interprétation, sans fards et sans retenue. Face à elle, le jeune Cary Grant d'à peine 30 ans inaugure un rôle de coquin menteur et filou, abominable de bout en bout, mais dont le charme flagrant ne laisse aucun doute sur l'étendue de ses talents d'interprète !
sylvia_scarlett5Mais "Sylvia Scarlett" démontre qu'une bonne histoire est nécessaire pour s'attacher la sympathie du spectateur. Dans ce film, non pas que ce soit en carton pâte, mais le fond laisse trop d'ambivalence sur un sujet aussi sensible que l'identité sexuelle. Certes, les pièces de Shakespeare s'en sont également nourries (cf. The Tempest, par exemple) mais j'ai particulièrement trouvé que la fausse naïveté doublée d'allusions franchement poussées n'était pas un cocktail réussi.
Inutile de préciser que ce film a été un "bide" complet à sa sortie en 1935, ce large champ d'ambiguités était d'un goût douteux pour l'époque ! Pour ma part, j'ai justement trouvé que ce film reflétait tout le fossé d'un film Classique qui a du mal à trouver sa place pour le public actuel. Non là je n'ai pas adhéré, alors que je suis une férue de ces films. Dommage.

Sylvia Scarlett, film de George Cukor (1935) - avec Cary Grant, Katharine Hepburn, Edmund Gwenn ...

5 avril 2007

Seuls les anges ont des ailes (1939)

angels6Une jeune New-Yorkaise prénommée Bonnie (Jean Arthur) débarque en Amérique du sud dans le port bananier de Barranca. Elle y rencontre deux aviateurs, Joe et Les, employés pour une compagnie aéropostale. Geoff Carter (Cary Grant) qui dirige cette équipe de casse-cou apprend qu'un colis doit être livré dans la soirée. Joe s'envole, mais les conditions météo l'obligent à rebrousser chemin. Malgré la tempête et les conseils de Geoff, il tente une approche du tarmac, manque son atterrissage et décède dans le crash de son avion. Bonnie est effondrée et ne comprend pas l'attitude désinvolte du beau Geoff...

Profondément attaché à mener jusqu'au bout ce projet qui mêle l'aviation et la camaradie de ses pilotes isolés près des montagnes, Howard Hawks est parvenu à diriger un film particulièrement remarquable mais, somme tout, âpre et sombre.
Après le succès de "Bringing up baby", Hawks renouvelle donc la collaboration avec Cary Grant pour interpréter Geoff Carter, un type a priori têtu, insensible et détaché des femmes. Face à lui, Jean Arthur tente avec son rôle de Bonnie Lee de faire succomber cet homme au coeur de pierre, plus attaché à ses hommes qu'aux beaux yeux de la blonde... Elle est drôle, émouvante et possède un caractère à ne pas se laisser marcher sur les pieds, et pourtant Carter a le coeur brisé.
only_angels_have_wings01En voyant débarquer son nouveau pilote et son épouse, Carter retrouve en la sublime Judy McPherson celle qui a mis son coeur en miettes. Il tente de rester stoïque, d'autant plus que son mari n'a pas la côte auprès des pilotes, désigné coupable de lâcheté suite à un accident d'avion dans le passé.
Bref, à la 50ème minute du film, un ange passe : Rita Hayworth fait son entrée, c'est dans ce film qu'elle se fera enfin remarquer, dépassant le grade de "starlette". Elle est impeccable. Il fallait aux yeux de Hawks une actrice capable d'incarner l'idée de la "femme fatale", beauté froide, lisse, regard de braise et classe étourdissante, Rita a su combiner tous les atouts !
Bon il faut reconnaître que son rôle tient encore du statut de seconde classe, Rita joue quelques scènes et donne de très bonnes répliques savoureuses, mais sans plus.

angels"Seuls les anges ont des ailes" est indéniablement un film tour à tour dramatique, sentimental et étincelant. La trame est menée tambour battant, les scènes avec les avions soulèvent l'angoisse chez le spectateur, la tragédie donne le pas à la comédie. Et puis, cet esprit communautaire et solidaire entre pilotes est rendu à merveille. On s'attache à la fine équipe, on savoure les moments de fête, les heures sombres. C'est un bon compromis. On retiendra surtout de ce film l'éternelle performance de Cary Grant, qui affiche une personnalité complexe, et où il nous réserve des scènes particulièrement drôles et intenses avec la toute débutante Rita Hayworth.

Seuls les anges ont des ailes (1939) , film de Howard Hawks, avec Cary Grant, Jean Arthur & Rita Hayworth - titre vo: Only angels have wings .

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